Nous ne sommes pas totalement enfermés dans nos déterminismes héréditaires, nous sommes constamment en devenir. Même si nos gènes sont transmissibles, ils sont également réversibles : nous avons le pouvoir d’influer sur nos déterminismes tout au long de notre vie.
Qu’est-ce que l’épigénétique et comment agit-elle en nous ?
L’épigénétique est une branche de la génétique. La génétique étudie l’hérédité et les gènes, c’est-à-dire les conditions de l’élaboration de notre patrimoine génétique à partir du caryotype transmis par nos parents – 23 chromosomes provenant de chacun des parents – et se trouvant dans chacune de nos cellules. Dans chaque cellule, les chromosomes rassemblent un total d’environ 26.000 gènes. Chaque gène contient les informations qui survivent à la cellule et se transmettent lors de la division cellulaire, au cours de laquelle la cellule se reproduit à l’identique. Certes, nous ne pouvons pas changer la séquence ADN dont nous avons hérité mais nous pouvons agir pour modifier son fonctionnement. L’épigénétique étudie la manière dont nos gènes vont être utilisés par une cellule, car même si le support génétique héréditaire de chaque cellule demeure stable, il arrive que certains gènes d’une même cellule « ne s’expriment pas » lors du renouvellement cellulaire, qu’ils demeurent en effet inactifs ou bloqués. Le génome hérité des parents ne demeure pas figé, mais peut évoluer en fonction des signaux qu’il reçoit de son environnement, signaux qui peuvent désactiver l’expression de certains gènes. C’est là qu’intervient l’épigénétique qui est la science de l’expression des gènes : elle étudie les modifications du génome qui en résultent. Ces modifications épigénétiques sont à la fois transmissibles et réversibles. Ainsi, à l’échelle d’une vie humaine, certains des gènes que nous avons hérités reçus en héritage de nos parents peuvent être activés ou désactivés : nous pouvons ainsi les changer.
Comment notre environnement influence-t-il notre santé par l’intermédiaire de l’épigénétique ?
Il a été démontré que le changement du support génétique de la reine des abeilles peut être opéré en fonction de son alimentation. De même, les variations épigénétiques qui accompagnent le déroulement d’une vie humaine peuvent être induites non seulement par l’alimentation, mais aussi par son environnement. Les gènes présents dans chacune de nos cellules peuvent fabriquer toutes les protéines dont a besoin notre corps humain. Ces protéines entrent dans la composition de nos hormones, de nos neurotransmetteurs, de nos anticorps, de nos enzymes, c’est-à-dire de tous les éléments qui servent de support biologique à notre corps (immunité, fonctionnement des organes, etc.) et à notre psychisme (émotions, mémoire, etc.). Un fonctionnement anormal de certains gènes va provoquer des effets négatifs sur la production des protéines qui nous sont nécessaires, et aboutira à des dysfonctionnements du corps (diabète, obésité, tabagisme, autisme, schizophrénie, hypertension) ou à d’autres maladies (cancers, maladies de Parkinson et d’Alzheimer). Ces effets épigénétiques sont transmissibles d’une génération à une autre. Ainsi l’épigénétique démontre que de mauvaises conditions de vie (alcool, tabac, drogue, alimentation, famine, stress, climat, événements éprouvants, sédentarité, exposition à la pollution…) auxquelles le corps s’est habitué, se transmettent et se répercutent sur l’espérance de vie des générations suivantes.
Comment pouvons-nous échapper à nos déterminismes héréditaires et aux variations épigénétiques néfastes ?
Si les gènes se modifient au gré de nos situations vécues, cela laisse la possibilité de compenser, à l’échelle de notre vie, les désordres qui se sont accumulés dans notre patrimoine génétique, tant du fait de nos ancêtres que de nous-même. Des expériences ont montré qu’il était possible de modifier l’expression des gènes impliqués dans le déclenchement de certains cancers ou d’autres maladies : dans les cas observés, il a suffi d’adopter une vie et une alimentation saines. Après seulement trois mois, les phénomènes épigénétiques déclenchés par cette thérapie ont donné des résultats encourageants. Dans le cadre de la prévention et de la thérapie active, les facteurs environnementaux et alimentaires favorables ont la capacité de faire varier l’expression des gènes, de façon significative et rapide, car l’épigénétique est très réactive. Ces modifications épigénétiques peuvent être transmises à nos enfants et ceci même sur plusieurs générations ..
Que désigne-t-on par « une vie saine » ?
Une vie saine inclut :
- la pratique d’exercices physiques (faire du sport, respirer du bon air, contempler le cosmos…) ;
- l’entretien d’un réseau social, amical ou familial ;
- Le ressourcement dans le plaisir (voyages, loisirs, créativité artistique et intellectuelle, etc.) ;
- un entraînement à la résistance au stress (gestion du stress, yoga, stretching, relaxation, méditation, etc).
- Une nutrition saine :
L’alimentation comporte toute une dimension psycho-socio-culturelle (nutrition, convivialité, relation à soi-même, etc.). C’est pourquoi notre alimentation a des répercussions tant sur notre biologie que sur notre psychisme. Une « nutrition saine » inclut la consommation régulière de fruits et crudités, d’aliments complets, la réduction des apports en graisse et, pour réaliser l’équilibre nutritionnel, la prise de compléments alimentaires (entre autres, soja, magnésium, huile de colza, sélénium, vitamines D et E, etcc).
Psychogénéalogie et épigénétique
Nos émotions peuvent laisser des cicatrices dans nos gènes et influencer leur expression, soit en les activant, soit en les désactivant. La psychogénéalogie nous enseigne que notre génétique a encodé certaines problématiques et schémas comportementaux de nos ancêtres que nous pouvons être « condamnés » à réitérer.
L’épigénétique de l’embryon peut influencer la grossesse si la mère a été sujette à des épisodes de stress violents et durables : son stress – ressenti par l’embryon durant la gestation – peut provoquer des séquelles durables au niveau du système immunitaire et cognitif de l’enfant. En effet, au sein de l’embryon, les cellules sont toutes identiques au départ mais, en fonction des signaux extérieurs qu’elles reçoivent, certains gènes vont être activés ou désactivés : ces marques épigénétiques vont se transmettre au cours des divisions cellulaires suivantes. C’est ainsi que les enfants de migrants, ou les enfants de familles ayant été touchées par des génocides, entament leur vie avec une épigénétique qui les prédispose à être hyper-sensibles au stress. Ces caractéristiques génétiques sont cependant réversibles, car notre mode de vie nous influence davantage que notre hérédité.
Quel peut être le rôle de la médecine ?
Dans l’état actuel de la science et des lois bioéthiques relatives à la modification du génome, la médecine a un rôle de prévention et de diagnostic des désordres auxquels peut remédier une action au niveau de l’épigénétique. La médecine a aussi un rôle d’information et de formation aux bonnes pratiques, d’accompagnement du patient pour que celui-ci puisse se prendre en charge.
Source :
– Ecrits contributifs du cursus universitaire des formations reçues IEDM, SIIN, AVIITAM
– JOEL DE ROSMAY , DEAN ORNISH ,CLAUDINE JUNIEN, DAVID KHAYAT ,PIERRE-HENRI GOUYON –La révolution épigénétique Editeur albin Michel 2018 et en livre de poche Editions Marabout à Vannes octobre 2020